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Inv.
SAH/ta-94167
Le Paradoxe de Quan-Tri
Pièce acquise par le Conservateur
en décembre 1989 à Hollywood (Californie, USA)
Origine : Quan-Tri (Vietnam) et USA
Description :
Le
plus petit " Hauntic
" du Surnatéum. En dehors du jeu de cartes, tout le matériel
d'un soldat de la guerre du Vietnam est contenu dans un étui
de cigarettes en métal. Briquet " Brother " gravé,
médailles, billets de banque etc. L'ensemble date de 1968.
Dossier : Témoignage de Thomas Gillaspie rapporté
par le Conservateur.
C'était en décembre 89, je ne me rappelle plus très
bien le jour exact, mais au fond quelle importance cela a-t-il...
Le hippie devait avoir une bonne quarantaine d'années bien qu'il
en paraisse dix de plus. Il s'appelait Thomas Gillaspie et mourait visiblement
de faim. Je l'invitai donc à prendre un repas au " Hamburger
Hamlet " qui se trouve sur Hollywood boulevard, en face du Chinese
Mann's Theatre. Nous nous étions rencontrés plus tôt
dans la matinée, au "Hollywood Magic Shop" sur le même
boulevard et avions sympathisé. Notre conversation tournait bien
entendu autour de la magie et de l'étrange qui parfois envahit
brutalement nos existences, et les désoriente à tout jamais.
A la fin du repas, au café, il me demanda si j'avais déjà
croisé mon döppelganger.
" Saviez-vous que Thomas signifie " le jumeau " ?
Une légende qui vient du fin fond de l'Asie nous conte que chaque
homme sur terre possède son double, identique en tous points
; mais que rares sont ceux d'entre nous qui le croisent jamais. Mis
à part les vrais jumeaux et quelques cas très rares ;
comme celui du roi Umberto d'Italie ou de Shelley qui aperçu
son double peu avant son décès, par exemple.
Cela m'est arrivé quand j'avais 10 ans, à l'église
baptiste de ma ville natale. Nous sommes tombés nez à
nez à la sortie de la messe. Imaginez le choc de se retrouver
face à soi-même. Il s'appelait Montague Clifton Jr, arrivait
de Milwaukee et venait d'emménager avec ses parents. Nous avons
vraiment eu l'impression de nous voir dans un miroir. Il avait les cheveux
plus longs que moi, c'était la seule différence. Nos parents
furent aussi interloqués que nous car, mis à part nos
vêtements, il aurait été impossible de nous distinguer
l'un de l'autre.
De ce jour nous devinrent les meilleurs amis du monde, fréquentions
la même école et plus tard les mêmes filles. Il était
impossible de nous séparer et nous jouions souvent des tours
pendables grâce à notre ressemblance. Même une prise
de sang ne nous aurait pas identifiés car nous étions
tous les deux du groupe O+. Nous avions même songé à
produire un show de magie, le fait d'avoir un double offrait nombre
de possibilités...
En 1967, nous fument tous les deux incorporés dans les greenies
(les bérets verts), déclarés A1, aptes au combat,
et envoyés à Quan-Tri, sur le front vietnamien, le fameux
17ème parallèle. Les bombardements et attaques répétées
de Charlie (le vietcong) nous portèrent vite sur les nerfs. Et
Montague s'était même mis à fumer pour déstresser
; moi je n'ai jamais pu supporter le tabac. C'est aussi cela qui nous
décida à échanger une de nos plaques militaires
; si l'un de nous se faisait tuer, la famille du défunt ne saurait
jamais si c'était vraiment Junior ou moi qui avait disparu. Nous
avions d'ailleurs fait graver sur nos briquets " brother ",
la même devise tirée du roman de Ian Fleming, que l'on
venait de porter à l'écran cette année :
On ne vit que deux fois, la première quand on naît, la
seconde lorsque nous avons vu la mort en face.
Un jour du début de l'année 1968, après un acte
particulièrement téméraire et stupide qui me valut
une " bronze star ", je reçus quelques jours de congé
que je décidai de passer seul à Bangkok. En me promenant
dans les temples, un vieux moine me proposa de me lire mon avenir à
l'aide d'un oracle à baguettes. Vous savez bien, le devin secoue
une soixantaine de baguettes de bambou numérotées dans
un étui en forme de tube, jusqu'à ce qu'une des tiges
soit éjectée. Il lut alors l'oracle inscrit dans un petit
livre. Mais cette fois-là, deux baguettes furent projetées
hors du tube. Il voulut les remettre dedans et recommencer, mais je
lui dis que j'étais lié au nombre deux et le priai d'interpréter
les deux baguettes. Il hésita un moment, puis il me dit :
Vous allez vivre ou mourir deux fois. Je ne peux rien voir d'autre,
c'est vraiment très étrange.
Je fus profondément interloqué par sa prédiction.
A mon retour en base, je fis part de cette prophétie à
Junior et au gars de mon équipe. " Eight Ball Sam ",
un Blue boy, un noir qui trempait dans le vaudou de Louisiane, nous
proposa de nous tirer les cartes et contrer le sort. Il mélangea
un jeu de cartes de poker et me demanda d'en tirer une. Ce fut le 2
de pique. " Snake's eyes spades ", le regard de Damballah,
la mort que l'on voit deux fois. Pique représente les changements,
le deux de pique une double mort, le vieux goonie ne t'a pas menti.
Je lui dis que c'était un truc de négro et qu'il essayait
de m'effrayer et que je voulais recommencer. Il remélangea les
cartes et me demanda d'en retirer une. Je pris la première du
jeu ; c'était à nouveau le 2 de pique. Je la replongeai
dans le paquet et retournai à nouveau la première carte
c'était le 2 de pique. Je recommençai deux ou trois fois,
cette carte maudite me suivait. Je vérifiais que ce foutu jeu
n'était pas truqué, composé essentiellement de
2 de pique. Il était bêtement " normal ". J'écartai
cette carte du jeu, en tirai une autre ; elle était revenue.
C'est à ce moment que Clifton Jr, paniqué, m'arracha la
carte des mains et voulu la déchirer. " Eight Ball Sam "
l'arrêta:
Ne fait surtout pas cela, tu provoquerais la colère des Orishas.
Si tu veux contrer le sort, renverse ce 2 de pique face à l'envers
dans le jeu.
Junior venait à peine de le renverser que le monde s'écroula
autour de nous dans un vacarme effroyable.
Quand je revins à moi, tout le monde était mort. Le tir
de mortier de Charlie n'avait épargné que moi. J'étais
sonné mais indemne. Le corps de Clifton me recouvrait, Sam, Johnson
et les autres membres de l'équipe étaient déchiquetés.
A côté de moi, totalement intact, le jeu de cartes était
étalé. Mais ce n'était plus le 2 de pique qui était
renversé au centre, mais l'As de pique. Une de mes deux vies
avait été payée.
Depuis, je souffre de maux de tête, de migraines et de troubles
de mémoire. Et je ne suis pas sûr que ce n'est pas Thomas
qui y est resté la-bas à Quan-Tri... "
Il me remercia pour le repas et me laissa les preuves de l'histoire
en souvenir.
" Cela me permettra peut-être d'oublier ! " Ajouta-t-il.
Son dernier geste avant de disparaître fut d'allumer une Lucky
Strike...
Expérimentation :
Lorsqu'on active le jeu de cartes en l'associant à l'histoire,
le 2 de pique se manifeste.
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