Peula-Peula
11 mars 2002
Fort Bowen, Australie septentrionale, en amont du fleuve Flinders
Cher Conservateur,
je profite d'un moment de répit pour vous communiquer les résultats
de mes dernières recherches. Ici, le climat est étouffant,
chaleur moite, nuées de moustiques et d'insectes agressifs au
lever et au coucher du soleil, nuits ponctuées de feulements
inquiétants et de créatures insoupçonnées.
J'aspire à rejoindre la côte, loin des mystères
et des secrets du fleuve Flinders.
J'ai pu localiser en aval le coude de la rivière où l'Albatros
a jeté l'ancre en 1931. Le lieu correspond à la description
laissée par Alexandre.
Malheureusement, mes nasses restent vides, malgré les succulents
appâts dont elles sont garnies. Pour rappel, je vous joins copie
du manuscrit original d'Alexandre Humboldt-Fonteyne ainsi que quelques
clichés d'époque. Malgré les problèmes d'intendance,
j'espère ramener un exemplaire vivant du Peula-Peula.
Amitiés et à bientôt
H.G. van Horne
"... 27 septembre 1931, l'Albatros pénètre dans
le golfe de Carpentarie et atteint le détroit du fleuve Flinders,
au nord de l'Australie.
Large d'une trentaine de kilomètres, le détroit est parsemé
d'îles et de massifs de palétuviers. Ca et là, des
huttes dressées sur pilotis forment de petites cités lacustres
abritant six ou sept familles indigènes.
Un lent ressac berce de vastes étendues de jacinthes et de nymphéas.
Partout l'eau cristalline du Flinders reflète une vie volubile
et intense.
Poissons, batraciens, reptiles, oiseaux multicolores. Seul revers à
la médaille, des nuées de moustiques qui, à heures
régulières, tôt le matin et au crépuscule,
s'abattent sur le fleuve à la recherche de nourriture.
J'observe avec plaisir l'adresse et l'habilité des aborigènes.
L'eau est vraiment leur élément et leur adresse à
la pêche est sans pareille. Chacun se déplace en pirogue,
les plus belles offrent une proue ornée d'une tête de crocodile
finement gravée et rehaussée de coquillage et de motifs
polychromes - le crocodile est le dieu du fleuve, les indigènes
ne le craignent pas, ils connaissent ses habitudes et les endroits où
il se tient,
de plus, ils m'ont fait comprendre que le "Peula-Peula" les
protège ...
J'ignore ce qu'est "Peula-Peula".
.
Les aborigènes du Flinders ont développé des techniques
de pêche très élaborées et d'une parfaite
efficacité. Ainsi, un piège en forme de cône dont
le pourtours intérieur est hérissé d'épines,
lorsque le poisson glisse la tête dans le cône attiré
par l'appât qui s'y trouve, il ne peut se dégager, la tête
saisie dans le réseau d'épines. D'autres pêcheurs
utilisent de longues perches, dont l'extrémité est largement
garnie de toiles d'araignées empelotées autours d'un appât.
Lorsque le poisson s'approche, il reste empêtrer dans les fil
de la toile.
Toute leur vie est tournée vers le fleuve et les contacts avec
les populations voisines semblent épisodiques et plutôt
belliqueux... ce matin, un pêcheur m'a montré sa prise,
un énorme poisson-chat, devant bien peser dans les 100 livres
... j'ai remarqué sur le dos de l'animal plusieurs plaies de
formes étranges, comme si une partie de la peau et de la chair
avait été ôtée à l'emporte-pièce
... curieux ... interrogé au sujet de ces blessures, l'indigène
m'a répondu Peula-Peula !
J'ai remarqué ces stigmates sur d'autres prises de grandes dimensions
( crocodile, poisson-chat, dauphin, ...). Les marques sont trop larges
et trop profondes pour être le fait d'une lamproie et le pourtours
de la plaie ne porte pas de trace d'arc dentaire.
Une grande cérémonie semble se préparer, les indigènes
s'activent. Ce matin, j'ai aperçu un groupe d'hommes, portant
sagaies, arc et peintures corporelles, s'enfoncer dans la forêt
de la rive sud, sans doute vont-ils razzier un village voisin ? ...
Les autres membres de la communauté se sont rassemblés
sur un îlot "sanctuaire", au centre duquel sont conservés
les
crânes et les ossements des ancêtres
... des pieux, au bois poli et blanchi par le soleil, sont fermement
ancrés dans la vase du fleuve
les guerriers sont revenus, tout excités et turbulents,
ils tiennent un prisonnier .... le bruit des vrombes et des chants s'élèvent
alors qu'une lune pleine et rousse monte à l'horizon
....grâce à ma longue-vue, j'assiste à la scène
comme si je m'y trouvais ... l'homme est placé dans une sorte
de nasse, aux mailles très larges, il a les pieds et les mains
liés et seul sa tête émerge
... la nasse est plongée dans l'eau du fleuve et fixée
à l'un des pieux de bois ... les hommes lancent une sorte d'appel
répété "Peula-Peula ... Peula-Peula ... Peula-Peula
... Peula-Peula ...", les chants redoublent d'intensité
et couvrent les hurlements du malheureux emprisonné dans la nasse.
La cérémonie à laquelle je viens d'assister me
laisse sceptique.
13 octobre
L'îlot sanctuaire a été déserté,
je m'en suis approché et j'ai inspecté la nasse. L'homme
est mort. Le filet d'osier est hissée hors de l'eau et ouvert.
Le spectacle qu'il contient est repoussant, de larges lambeaux de chair
ont été arrachés du corps de la victime, les plaies
sont pareilles à celles relevées sur le poisson-chat et,
par endroit, des larves, d'une taille démesurée, s'accrochent
encore fermement à leur proie en émettant un répugnant
bruit de succion. Ci-après la description que j'ai pu en faire
:
" Larve aquatique néotonique de grande dimension (de 40
à 60 centimètres) - appendices buccaux constitués
de deux pseudo-chélicères et d'un jabot suceur et taraudeur
à 2 palpes terminaux - abdomen mou d'une longueur légèrement
supérieure à celle du reste du corps - thorax et tête
mal différencié - la tête est vraisemblablement
rétractile dans le pseudo
thorax - 4 paires de pattes segmentées en 5 articles - 3 yeux
composés ".
L'animal, baptisé Eucerna thanathos Müller, est exclusivement
aquatique. Carnivore puissant, il guette ses proies auxquels il se fixe
à l'aide de 4 de ses 8 pattes en crochet. Son jabot taraudeur
lui permet de percer les peaux les plus dures et de vider ensuite, par
succion, la substance de ses victimes.
Les indigènes du fleuve Flinders le désigne sous le nom
de Peula-Peula, en raison du faible cri que l'animal émet lorsqu'il
est arraché à sa proie...".
Cher Conservateur, encore un mot !
J'ai emporté avec moi certains documents concernant la collection
Lepoutre. Lorsque j'en aurai fini avec le Peula-Peula, je vous ferai
parvenir un rapport plus complet. En attendant voici un premier spécimen,
découvert dans un puits de mine de Valenciennes (nord de la France)
par une profondeur de 400 mètres.
Amitiés
Daphnia maximus Lepoutre 1922
Entomostracé - ordre des
Branchiopodes
Nom vernaculaire : aucun
Loc. : Puits Froidecoeur - Valenciennes
Prof. : - 402 mètres
Définition : Petit crustacé à carapace foliacé.
Le bord postérieur de la tête se prolonge en arrière
par un vaste bouclier. Il se fixe à un support par ses deux antennules
postérieures. L'abdomen est rebondi.
Ethologie : Larve aquatique.
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